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L’Afrique, un continent de jeunes gouverné par des vieux

A 91 ans, Paul Biya est désormais le plus vieux président en exercice de la planète. Après sept mandats à la tête du Cameroun, le chef d’Etat, connu pour ses longs et fréquents séjours médicaux en Suisse, n’exclut pas de se représenter en 2025, ce qui l’approcherait de la centaine. Pourtant, un certain renouvellement générationnel s’observe en Afrique. Si Robert Mugabe, l’une des dernières figures des combats de libération nationale, a fini par quitter le pouvoir au Zimbabwe en 2017, à 93 ans, Bassirou Diomaye Faye a marqué l’histoire en remportant, en mars, l’élection présidentielle au Sénégal, à 44 ans.
Il n’en reste pas moins que l’Afrique reste gouvernée par des vieux : l’âge médian des présidents y est d’environ 63 ans, selon le groupe de réflexion Wilson Center. « Un contraste saisissant », souligne l’organisation, si on le compare à celui de la population : 19 ans. Le continent abrite la population la plus jeune du monde, avec environ 70 % des habitants âgés de moins de 30 ans, d’après l’ONU.
Au Cameroun, où cette proportion s’applique globalement, cela signifie que la majorité des citoyens n’ont pas connu d’autre dirigeant que M. Biya. « Nous sommes dans un système assez patriarcal, où les jeunes sont vus comme des fauteurs de troubles et pas suffisamment sages », déclarait, début septembre, Achaleke Christian Leke, de l’ONG Local Youth Corner Cameroon, à la BBC, soulignant les tensions créées par cette situation. « Les jeunes en veulent aujourd’hui aux vieux d’avoir rendu la vie difficile dans ce pays. »
Un important sujet de défiance, au Cameroun comme ailleurs sur le continent, concerne le manque d’employabilité, notamment à des postes qualifiés pour lesquels ces jeunes, ou leurs parents, ont beaucoup investi. Dans les grandes capitales, il est fréquent de rencontrer des comptables ou des logisticiens qui, faute d’occasion professionnelle dans leur secteur et sans aucune indemnité de chômage, gagnent leur vie comme chauffeur ou encore en boursicotant en ligne des cryptomonnaies (dont l’immense succès en Afrique apparaît à peine sur le radar de leurs gouvernants). Le phénomène n’est pas près de se dissiper : environ 10 millions de jeunes arrivent sur le marché du travail chaque année, pour 3 millions de postes disponibles, répète à l’envi la Banque africaine de développement.
Le coût des biens essentiels, soumis à une forte inflation ces dernières années, constitue un autre point de friction. Au Kenya, en juin, la colère de la jeunesse contre la nouvelle loi de finances, qui créait ou augmentait plusieurs taxes – dont celles sur les voitures individuelles –, a conduit à des manifestations inédites et à une spectaculaire intrusion dans le Parlement. La génération Z (née après 1997), qu’on disait éloignée de la politique, a obtenu, à la surprise de ses aînés, un retrait de la loi controversée et un remaniement du gouvernement.

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